lundi 16 octobre 2017

Comme dans le Grand Nord

Si cette année se poursuit comme elle a commencé, je suis preneur. Quand on commence l'année par un voyage à La Mongie, avec randonnées en motoneiges à la clef, on revient chargé à bloc, plein d'énergie... et impatient de repartir. ^^' En dehors de nos expéditions en motoneiges, nous avons essentiellement séjourné à Bergen. Fondée en 1070, cette ville était autrefois la capitale médiévale du royaume de Norvège et un avant-poste de la puissante Hanse teutonique des marchands de la Baltique, au XIIe siècle. À cette époque, Bryggen (« les quais ») était un centre de commerce affairé. Aujourd'hui, c'est le seul quartier de la ville où l'on trouve encore les bâtiments en bois à toit pentu et façades rouges et ocre si souvent photographiés. La remarquable collection d'entrepôts et d'auberges en bois - responsables du surnom de la ville - abrite à présent des ateliers d'artisans, des cafés, ainsi que le Musée hanséatique, dans l'un des bâtiments les mieux conservés de la ville. Si vous vous y rendez un jour, voilà deux adresses qui pourraient vous intéresser. L'hôtel Steens, où nous avons logé, nous a enchantés : il ne compte que 18 chambres dans une maison de 1890 très bien entretenue. Mais la seconde adresse est la plus importante, car Finnegaardsstuene est sans doute l'un des meilleurs restaurants de l'ouest de la Norvège. Installé dans un ancien entrepôt de la Hanse teutonique (dont certaines parties remontent au XVIIe siècle) il sert de la cuisine de saison, du pigeon rôti à la lotte grillée. Nous nous y sommes régalés comme jamais (d'autant plus que lors des expéditions en motoneiges, la nourriture était bien plus frugale et simple). Une autre chose importante à découvrir à Bergen : le funiculaire vers Fløyen, qui gravit 300 mètres vers la plus raide des sept montagnes autour de Bergen et offre une vue à couper le souffle sur les fjords. Bergen est aussi le point de départ idéal pour l'excursion « Norway in a nutshell », un voyage de douze heures qui vous fait voir tout ce qu'il ne faut pas rater dans ce magnifique coin du pays. On commence par un trajet en bus dans les lacets qui mènent à Gudvangen, où l'on peut embarquer sur un voilier et traverser le Naerøfjord (le plus étroit de Norvège) et l'Aurlandsfjord, deux éléments du splendide Sognefjord. Après cela, on prend le train depuis Flåm pour traverser une gorge montagneuse jusqu'à Myrdal où, sur une vingtaine de kilomètres, on emprunte plus de 20 tunnels effectuant 21 virages en épingle à cheveux pour contourner cascades et à-pics, tout en apercevant parfois les magnifiques fjords en contrebas. J'ai beau me creuser la tête, je ne me souviens pas avoir fait un voyage plus dépaysant que celui-là. Quant aux randonnées en motoneiges, c'était tout simplement magnifique. Lorsqu'on est cerné par la neige de toutes parts, loin de toute construction humaine, on a l'impression d'avoir été projeté dans Croc-Blanc. Il me tarde de recommencer. J'ai vu que de telles excursions étaient possibles également en France. A lire sur le site internet de ce de randonnée en motoneige à La Mongie.


mardi 10 octobre 2017

(Dés)intérêts politiques, syndicalisme et luttes sociales

Le rapport de la politique avec les milieux populaires n’a jamais été simple. Ces milieux ont de la sorte longtemps souffert d’une grande illégitimité politique. Le suffrage censitaire trouvait sa justification dans une philosophie qui voulait que seuls les possédants aient les « capacités » (entendues à la fois comme techniques et surtout morales) de veiller aux destinées de la nation. Les débats sur l’élargissement du cens, puis sur la mise en place du suffrage universel, ont fait la part belle aux arguments sur « l’instabilité des foules », la « versatilité populaire », ou sur les « émotions populaires », censées nuire à la bonne conduite des affaires publiques. L’idée de Condorcet (Réflexions sur le commerce des blés, 1776) que « l’opinion populaire reste celle de la partie la plus stupide et la plus misérable » a donc longtemps imprégné nombre d’élites sociales, y compris d’ailleurs celles qui avaient été les instigatrices de l’extension du droit de suffrage. La conquête d’une légitimité politique des classes populaires est ainsi inséparable du travail de mobilisation mené par des organisations qui ont fait exister politiquement un groupe - la classe ouvrière - dont elles se réclamaient les représentantes. En effet, une classe sociale n’existe pas en dehors du travail de représentation. C’est-à-dire qu’elle n’existe pas en dehors du travail inséparablement politique et symbolique qui lui donne corps en lui donnant une voix. Partant de la vie la plus ordinaire des milieux populaires, dans les immeubles, dans les quartiers, dans les usines, ces organisations politiques assuraient une transmutation de faits sociaux (liés à l’expérience quotidienne) en faits politiques. Ils retraduisaient en forme du discours politique légitime des préoccupations simples des milieux populaires. Ce travail était favorisé tant par la proximité sociale et spatiale des militants de ces organisations avec les milieux populaires que par le fait qu’elles aient promu en leur sein des cadres qui en étaient issus. Elles pouvaient de la sorte revendiquer sans trop de peine une unité repré- sentants/représentés qui leur assura un succès durable, notamment dans nombre de bastions industriels, et leur permit d’accéder à certains pôles de pouvoir, locaux (municipalités) ou nationaux (parlement). Ce n’est qu’au prix de ce travail que les classes laborieuses cessèrent d’être perçues seulement comme des classes dangereuses.